Le football pendant la guerre Nous avons rencontré le sympathique Michel Gatineau à la Montée-Blanche (Limalonges). Cet ancien joueur de l'Espérance Pioussayenne, fils de menuisier, est né en 1926 à Lhoumelée de Pioussay. «
Lhoumelée est tellement grand, plaisante-t-il,
qu'il est coupé en deux par les départements.»
Fin 1940 (ou début 1941)
En civil-béret : debouts, gauche Gilles Branchu (arbitre), droite Raoul Proust (secrétaire).
Rang du haut : Louis Terrassier, P. Esnard, A. Jouve, F. Rateau, R. Riché.
Rang du milieu : M. Taillefet, P. Boursier, R. Gatinaud.
Rang du bas : A. Robineau, P. Billaudeau, Michel Gatineau.
Michel Gatineau raconte cette épopée avec le sourire «Le foot s'est arrêté avec le départ des soldats à la mobilisation. C'est la nouvelle génération dont je faisais partie, qui a relancé le ballon en 1941
ou à peu près.
On n'avait pas de terrain à Pioussay. Ceux qui auraient pu nous apprendre étaient prisonniers de guerre. Ici, on s'ennuyait, il n'y avait
pas de fêtes, c'était la guerre. Le quartier général des jeunes, c'était le village de La Place qui possédait deux bistrots, chez Proust où était fixé le siège social de l'Espérance et chez Gourdon.
Deux bistrots qui possédaient chacun un jeu de rampeau. | On se rassemblait le dimanche autour de la mare. Un jour, André Sillon est arrivé avec un ballon de foot, un vieux ballon avec une chambre à air recouverte de cuir lacé. Ca faisait mal quand le lacet nous arrivait en pleine figure, mais on s'en fichait. On a trouvé un bout de champ, en sortant de La Place et en direction de La Rogneuse, on a tracé le terrain, comparant les mètres et les yard (1), et on a joué de dimanche en dimanche. On n'avait pas de chaussures adéquates. Un gars de Planchard (Empuré), André Ménard jouait avec des espadrilles renforcées de ficelles. |
Le vestiaire ? Dans un bois, on empilait nos vêtements par terre. Marcel Fouet, de Grosbout, (plus tard fabricant de meubles à Villefagnan), a voulu qu'on mette des poteaux, Massicot en a fait mais juste à un bout de notre petit terrain... Il n'y avait bien entendu pas de filet.
On jouait entre les bouses de vaches. Gare à ne pas tomber !
Marcel Sureau de Jouhé nous a rejoint. On a aussi joué sous les châtaigniers de La Place. Il a fallu trouver des maillots, des maillots rouges. Il fallait se mettre en culotte courte. Les pauvres vieilles faisaient des réflexions : "
vous avez bonne mine à faire voir vos grandes cuisses !" L'Espérance Pioussayenne nous a donné son nom, on a joué en 3e division.
Mais il fallait se déplacer : à vélo au début, mais moi j'étais encore trop jeune pour les premiers matchs, la première sortie de l'équipe c'était à Clussais. René Audoyer s'occupait de l'équipe, il avait été à l'école à Chef-Boutonne et jouait plus souvent que nous.
On était content quand les résultats paraissaient dans le journal. Quand on jouait à Chef-Boutonne, Sauzé-Vaussais, Ruffec, Villefagnan, les gars étaient plus forts et mieux équipés que nous.
Puis des jeunes d'autres villages, d'autres communes, des réfractaires STO (sous fausse identité), un prisonnier évadé (de même), nous ont renforcés. On avait des difficultés avec les effectifs car ces gars devaient se cacher, même s'ils ne se cachaient pas trop.
Massicot, le menuisier, connaissait un laitier de Montalembert. Massicot a fabriqué une sorte de cabine avec des banquettes qui se posait sur le camion à la place des bidons, on logeait la-dessus à 15 ou 16, on était allé à Brioux...
Gabriel Branchut (au centre) devant son moulin à cidre,
joueur de la première "Espérance" et arbitre improvisé pendant la guerre.
L'arbitre ? O l'était autre chose, chez nous c'était Gabriel Branchut... qui avait peut-être quelques notions ! Il n'était pas en culottes courtes mais il avait un sifflet.
L'équipe ne s'est pas arrêtée. Pour moi, jeune gars, je pensais déjà à autre chose, vous voyez ? Et je suis parti à l'armée en octobre 1944, un an de service. L'équipe continuait, il fallait une licence. Mon père est mort en décembre 1945, on s'est installé à Jouhé. Henri Massicot était président du club. Il me reprochait d'avoir pris une licence et de ne pas jouer souvent. Mais je travaillais à l'extérieur et j'étais attiré par autre chose.
Pas de terrain de sport à Pioussay contrairement à Limalonges par exemple. On était frustré. Au bourg de Pioussay, il était pourtant prévu un terrain de sport en face de l'école des garçons dans une parcelle appartenant à Emile Bergeron. Il avait déjà été piqueté mais le propriétaire n'a finalement pas lâché son terrain.
(1) Le yard, ou verge anglaise, est utilisée dans les pays anglo-saxons pour exprimer dans le langage courant des longueurs de l'ordre du mètre. Un yard correspond à 0,9144 mètre. Les Pioussayens connaissaient les mesures d'un terrain de football en yard mais moins bien la façon de les convertir en mètres. Le règlement officiel du football fixe les dimensions réglementaires des terrains : l’aire de jeu doit être obligatoirement rectangulaire c’est à dire plus longue que large. La longueur doit être comprise entre 90 et 120 mètres et la largeur entre 45 et 90 mètres. De la marge donc !
L'Espérance Pioussayenne sera sur pied jusqu'en 1949...
L'équipe de la reprise à l'hiver 1940 : Gabriel Branchu, l'arbitre, est à gauche calé sous son bonnet, et en "civil". Cette photo serait la première connue de l'Espérance pendant la guerre. Equipe 1941 Debouts : Pierre Billaudeau, Emile Sicaud, Robert Gatineau
A genou : Marcel Taillefet, Paul Queron, Michel Gatineau
Assis : Louis Terrassier, Pierre Esnard, René Audoyer, Adrien Jouve, Pierre Riché Ci-dessus, Michel Gâtineau n'est pas revêtu du même maillot que ses coéquipiers. "Parce que ce jour là on m'avait prêté à l'équipe adverse qui était incomplète, parce que je n'était pas le meilleur joueur non plus" s'amuse-t'il.
Aussitôt, le président envoie les statuts et le rapport d'activité. "Je profite de l'occasion pour vous faire part de notre projet de participation au championnat des Deux-Sèvres. Jusqu'à présent ce qui a empêché une plus grande activité de la société, c'est le manque de terrain. Aussi je viens vous prier, M. le Préfet, de faire le nécéssaire afin que le terrain scolaire de Pioussay nous soit accordé au plus tôt afin que nous puissions pratiquer notre sport favori..."
D'où l'entrainement sur un terrain à un seul but comme le rappelle Michel Gatineau.
Soit un total de 81 buts, contre 30 en 25 matchs, sur 4 défaites, 4 matches nuls et 17 victoires méritées... Signé du capitaine Audoyer.
Composition générale de l'équipe 1941-1942
Poincet G.
Billaudeau P. Gatineau R.
Taillefet M. Audoyer R. Terrassier L.
Goix A. Poincet A. Jouve A. Esnard P. Riché P.
Composition de l'équipe le 19 avril 1942
Didier
Billaudeau P. Gatineau R.
Taillefet M. Audoyer R. Poincet A.
Jouve A. Esnard P.
Riché P. Bordage Paquereau J.
Nombre de buts à leur actif
Jouve, 28 ; Audoyer, 14 ; Riché, 10 ; Goix, 9 ;
Paquereau, 6 ; Bordage, 5 ; Esnard, 4 ;
Poincet A., 3 ; Gatinaud R., 2 ; Gatinaud M., 1
C'est reparti pour 1943
Le Commissariat général à l'éducation générale et aux sports (académie de Poitiers) accuse réception à l'Espérance Pioussayenne" le 22 juillet 1942 du dossier d'agrément définitif déposé le 26 juin 1942 (signé J. Hermelin, directeur de l'éducation générale et des sports.
Le 25 juin 1943, le Commissariat général à l'éducation générale et aux sports demande au président de "l'Espérance de Pioussay suite à la réunion du 6 juin 1943 durant laquelle a été élu un nouveau bureau (on doit lui demander). La société (club) doit fournir la liste des membres du nouveau bureau.
Le 21 juillet 1943, le Préfet des Deux-Sèvres accuse réception d'un courrier de la part d'André Sillon, demeurant à Pioussay, concernant une déclaration en date du 6 juillet 1943, par laquelle il fait connaitre les modifications apportées aux statuts et les changements survenus dans le conseil d'administration de la société sportive de Pioussay dite "Espérance Piousayenne" dont le siège social est à Pioussay.
1943-1944 : deux équipes, des résultats.
Demande de subvention de fonctionnement pour 1944
En football : 18 licenciés, 5 non licenciés, 1 équipe en championnat 2 en amical
En athlétisme : 11 non licenciés
Activités 1943 :
Coupe des Deux-Sèvres
Pioussay-Clussais : 5 - 2
Limalonges - Pioussay : 2 - 0
Championnat des Deux-Sèvres 3e division
Pioussay bat Sainte-Soline par forfait
Clussais-Pioussay : 2 - 1
Pioussay-Chail : 3 - 2 Budget du club
Recettes : 9.700 fr ; dépenses : 13.440 fr. Déficit : 3.740 fr.
Le terrain de sport est en location
Avoir en mobilier : 4.000 fr.
Empriunts : 3.740 fr.
Projet de budget 1944
Recettes : 11.500 fr ; dépenses : 20.540 fr. Déficit : 9.040 fr.
Cette subvention a pour but de rembourser les 3.740 fr. ; assurer les déplacements des équipes en matchs officiels ; compléter l'équipement pour l'athlétisme ; acheter du matériel : ballons, poids, disques...
Sommes perçues du commissariat aux sports en 1941 : néant ; en 1942 : 2.000 ; en 1943 : 1000 fr.
La réponse tiendra donc sur un quart de feuille 21*29/7 : trop tard mes poucets...
En 1944 Pioussay met en compétition ses athlètes. Il faut établir un réglement...
Et inscrire les résultats
L'Espérance de Pioussay était affiliée sous le n° 14141, en 1946 et 1947, à la Fédération Française de Football, Ligue du Centre-Ouest, sous-district des Deux-Sèvres.
Admirons la barre transversale qui, comme un vieillard, se courbe de fatigue.
Le 17 juillet 1946, le Préfet des Deux-Sèvres accuse réception d'un courrier de la part d'André Sillon, demeurant à Pioussay, concernant une déclaration en date du 30 juin 1946, par laquelle il fait connaitre les modifications apportées aux statuts et les changements survenus dans le conseil d'administration de l'association dite "L'Espérance" dont le siège social est à Pioussay et déclarée à la Préfecture le 5 septembre 1927 sous le n° 588.
Le 6 décembre 1946, l'Espérance reçoit du sous-district 4 licences pour des juniors.