Le pain des morts
« pain de deuil »

Nous avons relevé dans le livret de comptes de Pierre Guienne qui tenait l'auberge «Le cheval blanc» à Pioussay à la fin du XIXe siècle, ce mémoire inhabituel. Nous nous sommes étonnés de dénicher l'expression "le pain de la donnée des pauvres".

Rapport de l'enterrement de ma chère femme décédée le 4 octobre 1866
Cette brave dame n'est pas décédée à Pioussay.
 

  • Donné au domestique de Branbe : 2 frs.
  • Donné à mon neveu : 5 f.
  • Donné au curé pour 10 messes : 10 f.
  • Payé au boulanger le pain de la donnée des pauvres : 202 f.
  • Payé les 12 porteurs chacun 12 francs : 120 f.
  • Payé le cercueil : 15 f.
  • Donné au vieux Camet : 5 f.
  • Donné âmes 2 messes : 10 f.
  • Donné à monsieur le garde : 2 f.
  • Payé au sacristain 10 f.
  • Donné à plusieurs pauvres depuis un an : 40 f.
  • Donné à « lafronde » : 5 f.
  • Le 4 avril payé à l'enregistrement pour les pauvres : 103 f.
  • Le 25 août donné à la pauvre meunière : 2 f.
  • Le 13 octobre 1867 donné à Joseph Dabée : 8 f.
  • Le 27 octobre donné à Fransile Guienne jeune : 2 f.
  • Le 8 avril envoyé à Laudinette un pain de 8 livres : 1 f.
  • Le 11 janvier 1868 j'ai distribué aux pauvres de la commune en présence de monsieur le garde Guérineau (écrit Garineau) : 400,20 f.

Total 943 francs


 


Autre tradition relevée dans l'île d'Oléron

Source : page 5 de « Le parler d'Oléron, Michel Garnier, éditions CPE, 2012 »

« Faire l'invitation de Maillée ou distribuer de porte en porte le pain d'offrande
Lorsqu'un décès survenait dans une famille d'Oléron, les proches faisaient célébrer dans al quinzaine une messe pour le repos de l'âme du défunt... » Une jeune fille vêtue de noir passait de porte en porte à l'heure du souper la veille du jour de la messe : si on lui promettait de venir à la messe elle remettait une petite tranche de pain.


Jungmann, en 1950, relève un certain nombre de pratiques, passées ou encore en usage de son temps, qui semblent aller dans le même sens : « En Champagne, dans la première moitié du XIXe siècle, [d’après les souvenirs d’enfance d’Alfred Loisy], c’était encore l’usage qu’à l’office des funérailles la plus proche parente du défunt offrît du pain, apporté dans une serviette, du vin dans un vase spécial, et en outre un cierge (vers 1860-1870, au lieu du vin on ne portait plus que le vase vide avec de l’argent). Les autres femmes offraient du pain et des cierges, les hommes de l’argent. Le même usage est rapporté pour le diocèse d’Orléans au début du XVIIIe siècle […] [et en Normandie encore en 1885] aux messes des morts la famille [apportait] une bouteille de vin et un pain, que deux servants portaient à l’autel au moment de l’offertoire. […] [Encore de nos jours, on dépose du pain] près de la grille du choeur avant la messe d’enterrement dans certaines paroisses de Bavière, [et] dans une paroisse rurale de la région de Ratisbonne, […] un pot d’étain [est placé] sur le catafalque, à côté duquel on posait autrefois un pain. [En 1950 toujours,] à Kössen dans la vallée de l’Inn inférieur, aux messes des morts solennelles on dispose un plat de farine et trois pots d’étain, que l’on remplit après la messe comme offrande destinée au prêtre. […] En relation moins étroite avec la célébration de la messe, une offrande de pain pour les pauvres à la suite de la messe des morts est restée en usage jusqu’à nos jours en d’autres endroits, par exemple […] en Tyrol du Sud. »


Autre
Dans quelques paroisses (en France antan), le jour des trépassés, les fidèles sont dans l'usage de porter du blé à l'offrande, et de faire de même aux obsèques des morts; c'est un symbole de notre croyance à la résurrection future, tiré de saint Paul. Il n'y a donc en cela rien de ridicule ni de superstitieux. L'offrande du pain bénit, qui se fait le dimanche dans les paroisses, est un foible reste de l'ancien usage.


Et encore...
Les offrandes en usage dans l’Eglise, celles mêmes qui paraissent les plus simples, n’en éveillent pas moins en nous quelquefois les idées les plus touchantes. Le pain bénit, par exemple, est un signe d'union entre les fidèles. Comment conserver au fond de son cœur de la haine contre ceux avec qui on vient de manger le même pain, sur lequel avaient été appelées les bénédictions célestes. En certains lieux, le pain bénit est donné pour les morts: c'est pour nous dire que nous ne cessons point d'être en communion avec eux et que nous devons continuer de prier à leur intention.


Le pain bénit
Jadis, il était fabriqué spécialement et cuit d'une seule pièce. Ce allaient les marguilliers qui vont le chercher chez le boulanger le dimanche matin, et qui le distribuent aux fidèles coupé en petits morceaux.




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