Les chemins de fer à voie mobile


Demande de concession de trois lignes de chemins de fer d'intérêt local, formée par M. de Villepigue.

Lors de la séance du 17 août 1891, les conseillers généraux de la Charente-Inférieure, MM. Toutant et Bonneau : «Les conseillers généraux soussignés, ont l'honneur de proposer à leurs honorables collègues, de nommer une commission interdépartementale pour étudier avec les commissions interdépartementales des Deux-Sèvres et de la Vendée, le projet de chemin de fer de M. de Villepigue

Le lendemain 18 août 1791, M. Delmas donne lecture du rapport suivant : "Nos honorables collègues, MM. Toutant et Bonneau ont émis le voeu que le Conseil général nomme une Commission interdépartementale pour étudier, de concert avec les Commissions interdépartementales des Deux-Sèvres et de la Vendée, un projet de chemin de fer présenté par M. de Villepigue, Ingénieur, et ayant pour objet la concession de trois lignes de chemin de fer d'intérêt local.
1° De Saint-Jean d'Angély à la Roche-sur-Yon ;
2° De Niort à Marans ;
3° De Challans à Noirmoutiers.


Ce chemin de fer est d'un système tout spécial ; il circule au-dessus du sol, sur des voies supportées par des tubes en tôle faisant fonction de pilotis. Il comporte deux voies indépendantes, l'une montante, l'autre descendante, pour éviter toute rencontre
de trains.

L'auteur du projet, qui s'engage à livrer les lignes dans un délai de deux ans, ne sollicite aucune subvention, aucune garantie d'intérêt et se borne à demander la concession illimitée.

En présence de l'impossibilité d'apprécier dès aujourd'hui la valeur du projet qui vous est soumis, votre deuxième commission vous propose de le renvoyer à MM. les Ingénieurs des Ponts et Chaussées, pour avoir leur avis et leur rapport sur la question.

M. Toutant. — Je suis l'auteur de la proposition sur laquelle M. Delmas vient de présenter un rapport. Je vous avoue que tout d'abord j'ai partagé l'opinion du sympathique rapporteur, je croyais qu'il s'agissait d'un projet irréalisable. Mais j'ai su depuis que le modèle de ce chemin de fer était exposé à Paris chez l'inventeur, et j'ai, constaté que des hommes compétents ont jugé ce projet d'une façon favorable. Je citerai à cet égard le passage suivant de la circulaire de M. de Villepigue :
« Notre système a été l'objet d'un examen approfondi de la part de M. Chemin, ingénieur
en chef des ponts et chaussées, professeur du cours des chemins de fer à l'Ecole des ponts et chaussées, et les conclusions de son rapport indiquent qu'aucun autre système ne saurait être préconisé pour les trajets à travers le désert, dans les montagnes et pour la traversée des marais
. »
M. de Villepigue ajoute : « Fort de la haute approbation de ce savant ingénieur, j'ai l'hon-
neur de solliciter la concession des trois lignes ci-dessus désignées, m'engageant à établir des
stations conformément aux itinéraires proposés, sauf modifications jugées plus conformes
à l'intérêt du département par la majorité des membres de votre Assemblée.
« Je m'engage à mettre le mouvement des trains de ces lignes en concordance avec les
trains des lignes correspondantes des chemins de fer de l'Etat
. »

Système original et probablement resté inédit, le chemin de fer à voie mobile de l'ingénieur Denis-Auguste de Villepigue aurait pu séduire le conseil général de la Charente-Inférieure, de la Vendée et des Deux-Sèvres, auquel il était présenté en séance en 1891.
Gageons que le projet de cet ingénieur ait semblé quelque peu original et fantaisiste du côté des Charentes au moment où le réseau de tramways sortait de son panache de fumée.

"Je soussigné, Denis-Auguste de Villepigue, ingénieur, demeurant à Paris, 105, rue Saussure, a l'honneur de solliciter la concession de trois lignes d'intérêt local, destinées à desservir certains cantons de la Charente-Inférieure, de la Vendée et des Deux-Sèvres ; la première de ces lignes est appelée à relier Saint-Jean-d'Angély à la Roche-sur-Yon, la seconde, Niort à Marans, et la troisième, Challans à Noirmoutiers.
Leréquérant s'engage à livrer ces lignes à l'exploitation dans un délai maximum de deux années. Il ne sollicite aucune subvention des trois départements intéressés, et ne demande à l'Etat pour leur exploitation, aucune garantie d'intérêts.
"

Suite séance du 18 août
M. de Villepigue s'engage en outre à se conformer au cahier des charges qui sera ultérieurement déterminé, à ne solliciter du département aucune subvention et enfin à ne réclamer aucune garantie de l'Etat.
On parle d'utopie, mais rappelez-vous que la plupart des inventions ont été de même tout
d'abord déclarées irréalisables.
J'estime que le Conseil général pourrait dès à présent demander la nomination d'une commission interdépartementale avec la Vendée et les Deux-Sèvres ; cette commission étudierait la question avec les ingénieurs des trois départements intéressés et avec l'inventeur, M. de Villepigue.
M. Emile Delmas, rapporteur. — La deuxième commission en votant les conclusions contenues
dans mon rapport a pensé qu'elle devait, dans cette question, suivre la procédure ordinaire ;
or nous ne nommons généralement une Commission interdépartementale pour statuer sur
un projet que quand ce projet a déjà été étudié par nous et quand nous avons pu nous rendre compte de sa valeur. Tel n'est pas le cas en ce qui concerne le projet de M. de Villepigue.
La commission a pensé d'autre part qu'en adoptant la proposition de M. Toutant, le Conseil général semblerait donner son estampille à un projet qu'il ne connaît pas et qui doit donner lieu à un appel de fonds.
Je crois donc que la Commission a sagement agi en proposant d'attendre l'avis des ingénieurs sur ce projet avant de prendre aucune résolution.
M. Toutant. — Je tiens à dissiper les craintes que manifeste M. le rapporteur de voir le Conseil général donner son estampille à un projet pour lequelil serait fait un appel de fonds. Or les fonds sont déjà faits ; la Société est constituée ; on n'attend que votre avis favorable et la sanction législative pour mettre l'affaire en oeuvre, et dans deux ans les cantons que représentent nos collègues MM. Bourcy, Bonneau et Roy de Loulay, pourraient être pourvus d'un chemin de fer, sans qu'il en coûtât rien au département.
M. le Président. — Je ferai remarquer à M. Toutant qu'en matière de chemin de fer il ne s'agit pas seulement de construire, mais aussi d'exploiter. Or si cette invention ne réussissait pas et si la Compagnie tombait en faillite après la construction, les populations desservies voudraient continuer à avoir ce chemin de fer et elles demanderaient au département de l'exploiter à ses frais. On ne peut donc pas dire que le département ne serait engagé en aucune façon.
M. Toutant. — Je maintiens que l'auteur du projet ne demande rien au département ni dans
le présent, ni dans l'avenir.
M. Emile Delmas, rapporteur. — Je me bornerai à indiquer que M. de Villepigue demande une concession illimitée : c'est peut-être là ce qui lui a permis de trouver des capitaux. Or, je ne crois pas qu'en pareille matière l'Etat accorde de concession illimitée ; tout au plus peut-il être question de 99 ans. Le Conseil trouvera là une raison de plus d'être très circonspect avant de donner une approbation quelconque, même indirecte, à un projet dont l'exécution repose peut-être sur une émission d'actions.
M. Jolibois. — Pour prouver que les fonds seraient facilement faits on nous dit que la Société est déjà constituée; mais c'est précisément parce qu'il y a une Société constituée que le Conseil général ne doit pas, selon moi, donner son approbation au projet. La Société a en
mains des actions, et il ne faut pas qu'elle puisse se servir de cette approbation du Conseil gé
néral pour chercher à les écouler dans le public.

Les conclusions de la Commission tendant à renvoyer le projet de M. de Villepigue à MM. les ingénieurs pour avoir leur avis sont mises aux voix et adoptées.

L'histoire reprend en décembre (lire plus bas), mais avant voici un ouvrage sympathique.










La traction des voitures se fait par une machine à vapeur à poste fixe.
Cette machine motrice tire de part et d'autre un câble de 15 kilomètres, chaque machine dessert donc un secteur de 30 kilomètres.
Comme dans le cas de l'aérotrain, les pieds des voyageurs sont loin du sol...










Séance du 1er Décembre 1891 au conseil général de la Charente-Inférieure
Rapports de la deuxième commission : M. Tarneaud donne lecture du rapport suivant :
- Dans votre séance du 18 août dernier, et sur le rapport de notre collègue M. Delmas, vous aviez décidé de renvoyer au service compétent l'examen d'une demande de concession de
chemin de fer à voie mobile faite par M. de Villepigue. M. le Préfet nous a transmis avec le dossier de cette affaire le rapport de M. l'Ingénieur en chef, qui est ainsi conçu : « Le Conseil général de la Charente-Inférieure a été saisi au mois d'août dernier d'une demande de M. de Villepigue, ingénieur à Paris, tendant à obtenir la concession de trois lignes de chemins de fer d'intérêt local s'étendant sur les trois départements de la Charente-Inférieure, des Deux-Sèvres et de la Vendée. Le demandeur appliquerait à-ces lignes un système de chemin de fer à voie mobile dont il est l'inventeur.
Par sa délibération du 18 août 1891, le Conseil général a voté le renvoi du projet aux  Ingénieurs pour avoir leur avis.
La description du système de chemin de fer de Villepigue étant donnée d'une façon très sommaire dans la notice jointe à la demande de concession, notre premier soin a été de prier
l'inventeur, dès le 24 août, de nous fournir des renseignements techniques plus précis sur son projet et de nous envoyer la copie in-extenso du rapport de M. l'ingénieur en chef Chemin, professeur à l'école des ponts et chaussées, dont les conclusions très favorables sont citées dans la lettre à MM. les Conseillers généraux.
Le 27 octobre, M. de Villepigue nous répondait que le passage de sa lettre relatif à l'opinion de M. Chemin n'était que la traduction des appréciations verbales faites par cet ingénieur au cours de ses différentes visites à l'atelier de la rue Saussure. Il résulte donc de cette lettre que le rapport de M. Chemin n'existe pas. Mais il y a plus : les appréciations verbales de M. l'Ingénieur en chef Chemin ont été, elles-mêmes, très inexactement rapportées par M. de Villepigue. Voici en effet ce que nous écrit aujourd'hui même M. Chemin à qui nous avions cru devoir nous adresser directement: « Paris, 15 novembre 1891... Comme vous deviez bien le penser, je n'ai jamais fait de rapport sur l'invention du sieur de Villepigue. Un de mes amis m'a, il y a six ou sept mois, mené voir un modèle de son système de chemin de fer pour me demander ce que j'en pensais. Je n'ai tout naturellement pu lui rien dire sur le vu d'un simple joujou. Mon ami m'a bien dit qu'on aurait désiré que je fisse un rapport sur cette invention, mais je m'en suis bien gardé. Si donc vous êtes appelé à faire un rapport sur une demande de M. de Villepigue, vous pouvez déclarer carrément que son assertion en ce qui me concerne est absolument mensongère. »

Conclusion de l'assemblée départementale ce même jour : " Nous croyons que cette dernière citation sera suffisante pour montrer que le Conseil général n'a pas à s'occuper de la demande qui lui a été présentée. "


Visiblement, les élus ne furent pas emballés par un projet qu'ils jugeaient utopiques. M. Toutant, qui avait cru ce projet irréalisable, dans un premier temps, a changé d'avis après avoir vu le modèle exposé à Paris chez l'inventeur. Mais ce n'était qu'une maquette...

Ce projet restera donc quasiment "nul et non avenu" !

Pourtant l'idée du train au bout d'un câble allait faire son chemin, à San Francisco...


Sans doute un peu comme l'aérotrain, non ?

Un outil pour les stars ?
L'autographomètre de Villepigue...

Pour cela, il faut consulter : "Notice descriptive de l'autographomètre Villepigue"

Autre invention :  www.google.com/patents/US382868.pdf

Autres exemples
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