La vigne
 
Pioussay dans sa partie sud, grâce à son sol (terres de groie) a quelques dispositions à la viticulture, laquelle aurait-été introduite en Gaule par les romains. Quand d’autres préfèrent attribuer le développement de la vigne au besoin en vin de messe.
La viticulture ne pouvait cependant florissante sur son territoire parce qu’il fallait aussi cultiver des bleds (froment, seigle, avoine, etc.) et du maïs (garouïl, blé d’Espagne ou de Turquie). Une bonne surface était laissée en prairie naturelle.


 
« Les terres argileuses1 et grasses constituent le reste du sol dans les deux arrondissements de Melle et de Niort. Les plantes céréales, les vignes, les prairies et les bois, tels sont les principaux objets de la grande culture des Deux-Sèvres. Le tiers au moins des plaines de ce département, que nous voyons chaque année au printemps se couvrir de belles moissons, restèrent en friches jusqu’au milieu du XVIIIe siècle, mais le ministre de Choiseul ayant autorisé la libre exportation des grains dans les pays étrangers en 1766, une révolution complète changea la face du pays. Coteaux, landes, bois, vignes, prés, tout fut sillonné ou transformé. »


Du cognac à Aigre
Sous l’Ancien Régime, les taxes sur le vin et l’eau-de-vie étaient devenues exorbitantes2 : il était peu rentable de produire au-delà de sa propre consommation. Pourtant, on avait l’habitude de distiller, comme en cognaçais, le vin blanc issu du cépage folle-blanche. L’eau-de-vie ainsi produite partait volontiers vers le nord de l’Europe.
Histoire du Pays d’Aigre (n°13 d’octobre 2005) nous donne des précisions fort utiles sous la plume du regretté Gonzague Hériard-Dubreuil, PDG des Cognacs Gautier.
« Les Gautier ne sont pas originaires de la région, ils viennent en réalité de Saint-Amand-Montrond dans le Cher, où ils étaient bûcherons dans la forêt de Tronçay. Ils se sont installés à Aigre au XVIIe siècle venant y vendre leurs bois merrains. »
L’auteur explique qu’en 1644, Charles Gautier épousa Jacquette Brocher viticultrice à Aigre. Aigre petite cité commerciale était traversée par la route royale d’Espagne, jusqu’en 1763. Il y avait deux routes pour exporter les eaux de vie : par la Charente et La Pallice pour l’Angleterre et les pays nordiques ; par la route pour Paris et le nord de la France, le dédouanement des eaux-de-vie de Cognac se faisant dans ce cas à Aigre. Les droits eau-de-vie « transportée par terre » sont inférieurs à ceux prélevés sur l’eau-de-vie « transportée par voie d’eau ». Avantage qui invite Gautier à créér une maison de cognac à Aigre, la plus ancienne créée en 1644 après Augier en 1640.
Mais le transport par terre semble avoir ses limites :
« Le Nord de la France n’est point le marché naturel des eaux-de-vie et des vins du midi3. Les huiles et les boissons d’Aix et de Cognac peuvent être transportées à meilleur marché au bout de l’Océan qu’en Alsace et en Lorraine. »
La Révolution revoit les taxes et la production de vin dont la production s’écoulait pour partie localement, notamment lors des foires par l’entremise des cafés et auberges d’un jour. La production d’eau-de-vie de Cognac qui permettait d’écouler les excédents de vin blanc, prit de bonnes proportions : « Les expéditions d'eaux-de-vie4 passèrent de 100.000 hl (1823) à 213 000 hl (1849) et 478 000 (1879). »
L’exportation se heurtait toutefois à la concurrence locale, et le whisky, qui aujourd’hui envahit les étals de nos supermarchés, n’entendait pas baisser pavillon.
« Bien plus que nos vins5, le moelleux de nos eaux-de-vie de la Charente et de Cognac les fait rechercher de nos voisins mais, contre elles, elles ont encore les mauvaises eaux-de-vie de grain dont les distillateurs anglais empoisonnent leurs concitoyens à l’abri du droit de 6 fr. par bouteille qui les protège contre les spiritueux étrangers. »
Les Deux-Sèvres étaient de bons producteurs de vin, et d’eau-de-vie de qualité.

« Il se récolte6 en moyenne en Deux-Sèvres 391,000 hectolitres de vins. Rouges : 176,000 ; blancs, 215,000 dont environ 160,000 suffisent à la consommation des habitants, le surplus est converti en eaux de vie qui se fabriquent principalement dans la partie sud-ouest de l’arrondissement de Niort. Il s’en fait aussi, mais en moindre quantité, dans les vignobles de Thouars et un peu dans le sud-est de l’arrondissement de Melle. Ces eaux de vie sont de deux qualités : l’une dite de Saintonge, et l’autre d’Aunis. La première est droite en goût et diffère peu de celle de Cognac dont elle prend le nom en sortant du département, la seconde a presque toujours un goût de terroir qui nuit à sa qualité. On ne distille ordinairement que les vins blancs qui sont plus abondants que les rouges, il en faut année commune 6 à 7 barriques pour obtenir une barrique d’eau-de-vie. (…) On récolte très peu de bons vins blancs, si ce n’est ceux que quelques propriétaires font avec soin pour leur usage, tout le reste est converti en eaux de vie. Le principal commerce des vins et des eaux de vie se fait à Niort. Ils se vendent à la mesure de 27 veltes ou 205,46 l. Les tonneaux en usage pour l’eau-de-vie se nomment pièces et contiennent de 60 à 70 veltes, le vendeur doit les fournir et leur valeur est comprise dans le prix convenu pour la liqueur. Ceux employés pour le vin sont des barriques de 38 à 40 veltes que l’acquéreur est tenu de rendre après les avoir vidées à moins de conventions contraires. On ne met ordinairement en cave que les vins destinés à la consommation du propriétaire, les autres sont conservés dans des chais celliers au rez-de-chaussée. »
Nos voisins d’Anjou n’étaient pas tendre avec nos vins. Ils préféraient nos mules et nos baudets.

« C’est une vérité qu’il m’est pénible de vous avouer7, Messieurs, qu’à part quelques cultures spéciales, quelques rares localités, les vins des Deux-Sèvres sont inférieurs à ceux des vignobles qui leur sont limitrophes, dans les rouges comme dans les blancs, au nord comme au midi du département. Ainsi les deux derniers arrondissements, Melle et Niort ne peuvent marcher de pair avec les produits de l’Angoumois, Saint-Jean et des environs de Blaye.
D’où viennent ces tristes différences ? Est-ce du climat du sol, de son exposition, où bien viennent-elles des espèces, ou encore des procédés de culture et de vinification ?

La partie viticole du midi des Deux-Sèvres se compose des arrondissements de Melle et de Niort. Dans celui de Melle, la culture de la vigne mérite à peine d'être mentionnée ici. Son riche terrain est bien plus utilement consacré à l’élevage et à l’engraissement de ces superbes mules dont la renommée est pour ainsi dire européenne, et de ces grands et précieux baudets conservés si purs et avec tant de soin depuis le XVII siècle… »
Les cépages fréquemment plantés dans la région étaient les suivants : en noir, le pinot noir, le balzac, le gros noir et le petit noir, quelquefois la douce noire ; en blanc, la daune, le sauvignon, le colombard. Les meilleurs des blancs étaient toutefois le balzac blanc, la folle, et le bouillau, alors que les moindres avaient plutôt pour nom le saint-pierre, la conduse et la folle colombarde.
« La plupart des vignobles8 consistaient autrefois dans l’arrondissement de Niort en plants de cauché (pinot noir) d’où l’on extrait un vin léger et cordial. Plusieurs propriétaires en ont abandonné l’exploitation pour cultiver le dégouttant, plus abondant en effet, mais dont le vin quoique fortement coloré, n’a ni sève ni bouquet. Il y a aussi la folle blanche qui est d’un très bon rapport dans la fabrication des eaux de vie. »

La vigne était essentiellement cultivée à la main dans les alentours de Pioussais, le laboureur à bras se servait d’un pic (piochon). Pourquoi ? Parce que les ceps étaient plantés en quinconce, et non en rangs, ce qui ne laissait aucun passage pour un animal de trait. Vers Londigny, Montalembert, Sauzé-Vaussais, etc. et parfois à Pioussay, on préférait des rangées de treilles : « des échalas, tréteaux ou voiliers ».



     AU TEMPS PASSE A TRAVERS POITOU ET CHARENTES

Source : Henri Gelin
Les vignes géantes et les voliers poitevins (extrait)

«Et l'éternel parla à Moise, disant : Envoie des hommes pour épier le pays de Canaan, que je donne aux enfants d'israel. Or, c’était alors le temps des premiers raisins. Les espions vinrent jusqu'à Hébron et jusqu’au torrent d’Escol, et coupèrent de là une branche d’un cep avec grappe de raisin, et ils étaient deux à la porter avec un levier (1)»
Qu’étaient ces treilles de Canaan, dont un rameau pourvu de sa grappe réclamait l’effort de deux hommes pour le porter ?

Les voyageurs récemment revenus du Maroc racontent qu’ils y ont vu des «vignes géantes»; et ce qu’ils nous disent aidera peut-être à l’intelligence du texte biblique que nous venons de rappeler. J.Tharraud s’émerveille des «vignes géantes» de Marrakech, qui grimpent aux arbres ou forment des plafonds de feuilles et de fruits soutenus par une architecture de roseaux et d’où se détachent des raisins noirs, et blancs ou roses, qui pendent en grappes fabuleuses (1921), il dit que «la vigne pousse presque à l’état sauvage au Maroc. Les habitants «la cultivent en treille. Ils disposent à cet effet des paquets de roseaux en faisceaux haut de deux mètres environ. Ils posent sur ces faisceaux une claie toujours en roseaux, et la vigne étale ses pampres sur ces claies. Les grappes pendent et se cueillent facilement. A Marrakech, nous avons vu des troncs de vignes de la grosseur du corps d’un adulte, et les branches couraient jusqu’à dix mètres… Le raisin marocain est blanc, ou noir, ou oblongs, à peau épaisse ! Le raisin noir est exquis, très sucré.» On n’en fait pas de vin, le Coran interdisant l’usage des boissons fermentées, mais on utilise le raisin comme condiment et comme dessert.

Je n’aurais pas rapporté ici des détails étrangers à notre région, si ces treilles arborescentes, qui faisaient déjà l’admiration des compagnons de Moise, et que nos compatriotes s’émerveillent de rencontrer au Maroc, ne se retrouvaient, à peu près identiques, dans le canton de Sauzé-Vaussais, aux limites communes du Poitou et de l'Angoumois. Peut-être, l’Italie, l’Espagne ou même la France méridionale montrent–elles quelque part des tonnelles à plafond horizontal, formées des frondaisons de treilles dont le tronc atteint la grosseur d’un corps d’homme ; mais nous n’en avons rencontré mention nulle part. Elles y doivent, en tout cas, avoir partout été fort rare, puisque les éditeurs qui réimprimèrent en 1804 le théâtre d’agriculture d’Olivier de Serres et parmi lesquels figuraient François de Neufchâteau, Grégoire, Vilmorin etc., jugèrent intéressant de reproduire un passage emprunté à l'essai d’une Méthode générale propre à étendre les connaissances des Voyageurs (Paris, Moutard 1799; II, 216) l’auteur, qui s'appelle Munier, y fait connaître que, sur la route allant du Poitou en Angoumois «les habitants d’un lieu appelé la More commencent à savourer le plaisir de posséder de la vigne. Si le sol ne leurs permet pas d’en avoir de rampantes, ils ont au moins des treilles ou vignes en futaies, dans lesquelles un seul propriétaire peut recueillir douze à quatorze barriques de vin. «Les treilles sont ordinairement rangées en allées découvertes, dont la hauteur varie de six jusqu'à vingt pieds. L’on y voit même des ceps de vigne qui ont plus de six pouces de diamètre. Ils sont soutenus par de gros poteaux fourchus, dépouillés de leur écorce, plantés et solidement scellés en terre, de distance en distance, pour y recevoir des traverses par étage, d’un poteau à l’autre. Ils sont formés de branches de gros châtaigners sauvages, qui sont abondants dans le canton… Ces poteaux durent communément trente ans sans s’altérer ».

La More est un village dépendant de la commune de Montalembert ; il est placé au long de la route allant de Poitiers à Bordeaux. Il n’y subsiste plus que des tronçons des anciennes «vignes en futaies». Mais on en trouve ou plutôt on en trouvait naguère encore ça et là dans la région, des exemplaires disposés absolument de la même façon. En recherchant vers 1892, des inscriptions au village du Breuil-Coiffault, commune de Hanc, parmi les vestiges d’une ancienne gentilhommière dont les pierres dispersées avaient été remployées pour des constructions récentes, je fut frappé d’étonnement en présence d’une de ces «vignes en futaies » formant, avec le soutien d’étais verticaux et de traverses, une tonnelle qui recouvrait un chemin de 4 mètres de large, sur une longueur de plus de 50 mètres. A peu près à la même époque, mon excellent ami René Guyet prenait, au village de la Place, commune de Pioussais, de superbes clichés photographiques représentant des aspects divers d’une de ces vignes géantes, qu’on appelle Voliers dans le pays. D’autres existent encore à Caunay, à Limalonges, aux Adjots, etc.; mais le plus souvent les treilles sont réduites à l’état de tronçons squelettiques, terminés, au–dessus de leur vieille étèppe (étai), par une maigre touffe de sarments rabougris, dont l’aspect ne rappelle que de loin l’ancien voilier luxuriant et pittoresque qui couvrait, l’été, de son ombre fraîche, les rues des villages, et fournissait un abondant raisin.
Les voliers de la région de Sauzé-Vaussais étaient constitués par un cépage à gros fruits noir, connu sous le nom de prunellier, très précoce, assez agréable au goût, mais donnant un vin  peu chargé d’alcool. Le phylloxera les a longtemps respectés, sans doute parce que cette végétation à hautes tiges de vigne est plus conforme à sa nature de plante sarmenteuse et grimpante que les mutilations aux-quelles nous assujettissons nos ceps à basse tige, si impitoyablement émondés et rognés pour favoriser les qualités de la grappe: les racines, plus vigoureuses, plus développées du volier, atteignaient des profondeurs inaccessibles au redoutable aphidien.
Transcrit en 2008 par PR.

 


1866, le comice agricole de l'arrondissement de Ruffec est organisé à Villefagnan, des prix sont attribués :




« Il faut un mode de plantation en ligne9, et non en quinconce. Dans la Saintonge, l’Aunis, le Languedoc on cultive à la charrue. Dans l’Aunis selon M. Bonnet, on cultive avec des bœufs qui sont attelés à un joug assez long pour qu’ils puissent laisser un rang de ceps entre eux deux. »
 



 



Le phylloxéra.

Le phylloxéra
La viticulture était source de prospérité dans ce XIXe siècle voué au progrès et à la mécanisation. Mais c’était sans compter sur le phylloxéra ! Le phylloxéra, ce puceron, vient d’Amérique, importé par « des sorciers malheureux » en même temps que les premiers plants de ce continent. Les premiers cas ont été constatés en France en 1863. Vers 1873 à Loubillé selon Marcel Daniaud.
« Le département avait autrefois 33.681 hectares de vignoble10. (…) 21.771 hectares sont détruits complètement depuis plus de dix ans. Il y a en effet à peu près douze à quatorze ans que la présence du phylloxéra a été constatée pour la première fois dans les cantons de Brioux et de Chef-Boutonne, puis ensuite dans ceux de Beauvoir et de Mauzé. »
Une lettre d’Henri Ricard11 en date du 3 octobre 1880, expédiée de Villeneuve (Pioussay) à son fils aux armées, nous précise où en sont alors les avancées du phylloxéra dans notre contrée.
« (…) Nous avons battu nos blés avec notre petite machine sans qu’il y ait le moindre dérangement, elle fonctionne très bien. Pour les vendanges, nous ne pouvons pas savoir comme cela sera encore. Nous ne vendangeons pas demain, mais il est certain qu’il y a peu de choses puisque les vignes sont toutes mortes. Il y a des contrées où il s’en trouve encore un peu, aux environs de Planchard (dans la commune d’Empuré et Paizay-Naudouin) et d’Embourie. Il y en a quelques morceaux qui sont assez bons (…).


Pour détruire le phylloxéra, de nombreux procédés furent expérimentés. Comme la submersion, qui inondait le vignoble en hiver pendant 40 à 45 jours et provoquait la mort de l’insecte par asphyxie. Le moyen était sûr, mais très coûteux et ne pouvait malheureusement être appliqué partout. L’emploi d’insecticides était plus facile et moins onéreux. Parmi ces produits, le plus efficace était le sulfure de carbone, liquide très volatil, dont les vapeurs intoxiquaient le phylloxéra, mais gênaient aussi la vigne. Le traitement exigeait l’injection de 20 grammes de liquide, répartis dans quatre trous par mètre carré. Il fallait effectuer deux ou trois traitements annuels.
En 1890, compte tenu des piètres résultats des essais, on avait renoncé à détruire le phylloxéra, et pour tourner la difficulté, on greffait des cépages français sur des sujets américains ou hybrides qui ne sont pas tués par le parasite. A noter que des essais avaient été faits, à l’inverse, en Amérique pour introduire des cépages européens, et cela plusieurs siècles auparavant.

Les vignes de toute la région disparurent plus ou moins vite, détruites par ce puceron. La majorité des terres de Loubillé vit leur destination réorientée vers la culture des céréales. La luzerne venait d’être introduite et sa pousse rapide, grâce aux engrais (guano, phosphates, etc.) permit à beaucoup de se tourner vers la production de lait… mais pas avant le début du XXe siècle.
L’élevage caprin fut à son tour toléré, peu à peu. Il était totalement interdit par les coutumes d’Angoumois et du Poitou. Le 29 septembre 1898, Gaston Magnen rédigeait le bail à moitié de sa métairie sise à Loubillé et Loubigné, confiée aux époux Blanchet, juste débarqués de Vendée. Le bail ne fait apparaître qu’une seule vache fournie par le propriétaire comme l’ensemble des animaux dont des moutons. Mais il stipule « qu’ayant une vache ils ne tiendront pas de chèvres ». De plus, il faudra respecter l’interdiction « d’amener les animaux paître dans les bois dont les rejets auront depuis moins de six ans ». Et cela va de soi : dans les vignes. Ce bail à ferme démontre, s’il le fallait, que la conversion des exploitations à l’élevage bovin n’était pas encore acquise.


D’autres intensifièrent l’élevage des poulains et des mulets. Des vignes furent cependant replantées, mais uniquement pour la consommation familiale. Avec des variétés françaises sur des porte-greffes américains, et des hybrides.
Pour comprendre l'étrange mécanisme qui avait conduit à la domination de ces hybrides au vin mauvais, il faut remonter en 1826 avec l'arrivée de l'oïdium, maladie venue des Etats-Unis qui s'est abattue sur le vignoble français. En guise de riposte, des cépages d'outre-Atlantique que l'on savait résistants comme noah12, clinton, othello13 ou isabel avaient été introduits dans l'Hexagone. On ne se doutait malheureusement pas qu'ils apporteraient avec eux le phylloxéra. Trente ans plus tard, la parade du porte-greffe était-elle à peine trouvée que le mildiou sévissait à son tour. La réplique est alors venue des hybrides producteurs directs qui ont éloigné la maladie, mais au prix d'un vin sans panache et d'une hégémonie sans partage.
Le vin se fait rare, qu’il soit de table ou à distiller. Le cidre est très apprécié pour le remplacer. Certains n’hésitent pas à « bricoler », comme ces négociants dont nous parlons maintenant.

Les trafics imposent une appellation contrôlée « cognac »

« Une des principales richesses14 de notre pays autrefois était la production des eaux -de-vie. Depuis la disparition de notre folle et de notre jurançon, si l'on ne fait plus d'eaux-de-vie comme on en faisait du temps des vignes, il ne faut pas croire que c'est uniquement avec des vins blancs achetés ou produits qu'on les obtient. Depuis la disparition des vignobles, il s'est créé des industries très lucratives, je connais pour ma part de ces pseudo bouilleurs de crus qui gagnent des sommes considérables tous les ans, ils achètent beaucoup d'alcool de betteraves, de grains et un petit peu de vin blanc du Mirebalais, de l'île de Ré ou d'ailleurs, mélangent cet alcool et ce vin blanc avec de l'eau, et font passer tout cela par la chaudière. Ces industriels gagnent des fortunes, sous l’œil si perçant cependant de la régie, il n'en n'est pas moins vrai qu'ils ruinent notre vieille renommée, et que non seulement nous aurons de grandes difficultés à reconstituer nos vignes, mais nous aurons eu des difficultés non moins grandes à rattraper notre ancienne clientèle. C'est pourquoi il convient, dès maintenant, que les producteurs honnêtes s'attèlent sérieusement à la question, et il importe que nous trouvions les producteurs directs, s'il en existe, capables de nous donner abondamment du vin pur, lequel distillé nous donnera lui-même de pures eaux-de-vie. »

« On fait désormais de l'eau-de-vie de vin avec du sucre de betterave, comme les plus pures eaux-de-vie de Cognac. » Il fallut remettre de l’ordre et décider d’une appellation « cognac » en 1909, une appellation dont ne bénéficie pas Loubillé. Les seuls cépages autorisés pour pouvoir prétendre à l’appellation contrôlée « cognac », A.O.C. née du 15 mai 1936 dont les conditions sont définies par le décret du 13 janvier 1938, étaient les suivants : saint-émilion, folle-blanche, colombard, blanc-ramé, jurançon blanc, montils, sémillon et sauvignon. La taille, elle-même, était réglementée selon le système Guyot, simple ou double.


Pioussay aurait-elle pu être classée en appellation contrôlée cognac ? A priori, non ! Les communes du sud-ouest des Deux-Sèvres étaient exclues. Quelques communes du canton de Villefagnan purent bénéficier de cette faveur : Salles, Tuzie, Courcôme, Souvigné, Raix, Villefagnan, Brettes et Longré. La totalité de la surface de ces communes était classée en appellation « bons bois ». Notons que dans le canton de Ruffec, seules les communes de Villegats et de Verteuil purent en bénéficier.
Pioussay se contentera de boire « du gros rouge ». Du vin issu de cépages hybrides au doux nom métallique comme les quatre chiffres qui les désignent, par exemple 5841 pour le célèbre baco, hybride créé en 1898 par François Baco, ou 5455 pour le seibel rouge. Désormais, la vigne bat en retraite au profit des céréales. Ces quelques pieds de vigne font partie du folklore local, et voient les merles et les grives concurrencées chaque automne par les vendangeurs venus passer une bonne journée dans une chaude ambiance familiale.



Et comme si deux maladies ne suffisaient pas, c'est la commune de Loubillé15 la première atteinte par le phylloxéra, qui, cinquante ans plus tard, fut aussi la première atteinte par le fléau du doryphora, autre insecte venu d'Amérique et s'attaquant aux plants de pommes de terre.
______________________

1 Histoire des villes de France par Aristide Matthieu Guilbert, 1850.
2 Tusson & alentours au XVIIIe siècle par Roger Ducouret, édition Du Lérot.
3 De la richesse commerciale ou principes d'économie politique appliquée, page 226, J. J. Paschound, 1803.
4 La vigne et le vin en France, page 53, Paul Marres, 1950.
5 Observations recueillies en Angleterre en 1835 de Claude Gabriel Simon.
6 Topographie de tous les vignobles connus de André Jullien, 1866.
7 Bulletin de la société industrielle et agricole d'Angers et du département de Maine-et-Loire, 1859, par l’ abbé Picard délégué de la société d’agriculture de Niort.
8 Histoire des villes de France, d’Aristide Matthieu Guilbert, 1850.
9 Bulletin de la société académique d'agriculture, belles-lettres, sciences et arts de Poitiers, 1860.
10 Gustave Robert, professeur départemental d’agriculture, chef du service phylloxérique, conférence faite à Niort le 28 novembre 1889.
11 Collection Patrick Ricard.
12 D'origine américaine et issu d'un semis de pépins de taylor (hybride naturel de labrusca et du riparia) effectué en 1869 par Otto Wasserzicher à Nauvoo (Illinois). Cépage prohibé en France depuis 1935.
13 Othello : issu du croisement entre le clinton et le frankenthal (black-hambourg) obtenu en 1859 par Charles Arnold, de Paris, comté de Brant dans l'Ontario (Canada). Cépage prohibé en France depuis 1935.
14 Gustave Robert, professeur départemental d’agriculture, chef du service phylloxérique, conférence faite à Niort le 28 novembre 1889.
15 Marcel Daniaud, Couture 1992, page 59.



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