Inventaire de l'église de Pioussay en 1906

Préambule : séparation de l'Eglise et de l'Etat
Émile Combes, ex-séminariste devenu adversaire de la religion, est porté au gouvernement et, dès 1902, des congrégations et des établissements scolaires non autorisés sont fermés (3000) ; de nombreux incidents découlent de cette décision.
En 1903,de nombreuses congrégations masculines et féminines n'ont plus le droit de pratiquer et sont expulsés de leurs couvents ; des milliers de religieux trouvent refuge en Belgique, Espagne et Royaume Uni.
En 1904, le 7 juillet Émile Combes interdit l'enseignement aux congrégations. En 1904, le
concordat signé entre Napoléon Bonaparte et le pape un siècle plus tôt est toujours en vigueur ; celui-ci permet entre autres au gouvernement de contrôler le clergé français en nommant les évêques. Suite à la mort du pape Léon XIII en 1903 et la nomination de son successeur Pie X, de nombreux incidents surviennent entre la France et le Vatican : incidents qui iront jusqu'à la rupture diplomatique entre la France et le Vatican en 1904. Un grand débat s'engage alors au parlement entre les partisans et les opposants de la séparation (A. Briand, J. Jaurés, G. Clémenceau).
Le 3 juillet 1905 la loi de séparation est votée malgré les divergences qui portent entre autres sur les inventaires des églises. Cette loi promulguée le 9 décembre 1905, interdit la rémunération des ministres des cultes (évêques, prêtres, pasteurs...) par l'état, le budget était alors de 40 millions de francs.
Les biens religieux propriétés de l'état depuis 1789 le restent. Les inventaires prévus par la loi se feront de manière estimative, et dans certaines régions ceux-ci ressemble à la guerre civiles, notamment en Vendée et dans le nord des Deux-Sèvres (Châtillon-sur- Sèvre en 1906). Une circulaire du 27 février 1906 stipule que « les agents chargés de l'inventaire demanderont
l'ouverture du tabernacle ».

Célestin Guérineau, antilérical patoisant, en 1906 se moque de son trait adroit...



L'inventaire à Pioussay
A Pioussay, l'inventaire est fait le 2 mars 1906... sous tension comme le rapporte le texte retranscrit ci-dessous.


Le curé Guilloteau est né à Chatelleraut (86).


Direction générale des Domaines des Deux Sèvres de Niort

Inventaire
Des biens dépendant de la Fabrique (2) paroissiale de Pioussay dressé en exécution de l'article 3 de la loi du 9 septembre 1905.
L'an 1906, le 2 mars à 1 heure du soir étant au chef-lieu de la commune de Pioussay en présence de Guilloteau curé de la paroisse de Pioussay, Terrasson président du bureau des marguilliers* de la fabrique paroissiale de Pioussay et assisté de Mrs Audoyer, Boux, Robert et Fillon membres de la fabrique.
Nous soussigné Pierre, percepteur des contributions direct de Chef-Boutonne dûment commissionnés et assermenté, spécialement délégué par la direction des domaines à Niort, avons procédé, ainsi qu'il suit, à l'inventaire descriptif et estimatif des biens de toute nature détenus par la fabrique de l'église paroissiale de Pioussay. Cet inventaire va être dressé dans les (différents) divers locaux désignés d'autre part où nous nous transporterons successivement à cet effet.

Dans l'église
10 tabourets estimés 10 fr
63 bancs 100 fr
8 chandeliers en métal argentés 8 fr
2 lustres en cristal 30 fr
15 vases à fleurs en porcelaine 15 fr
1 confessionnal en chêne 20 fr
3 statuettes dans une niche 5 fr
2 statues des la Vierge 20 fr
1 statue de St. Joseph 18 fr
M. le curé nous ayant manifesté le refus formel d'ouverture du tabernacle, nous a déclaré que le contenu en consistait en « Dieu seul dont le prix est infini ».

Dans la sacristie
2 armoires en bois blanc 15 fr
1 chaise 1 fr
1 calice en argent 30 fr
1 soucoupe en argent 10 fr
1 missel et son pupitre en bois verni 2 fr
2 aubes 15 fr
1 bénitier en métal 3 fr
1 goupillon 0,5 fr
1 ornement violet 20 fr
1 ornement noir 20 fr
1 encensoir en métal 2 fr
1 croix en métal avec manches en bois 2 fr
8 vases à fleurs en porcelaine 8 fr
6 chandeliers en métal 3 fr
4 candélabres en métal doré 10 fr
1 encensoir en métal 10 fr
Dans la sacristie de l'église de Pioussay, M. le trésorier de la fabrique a nettement refusé de nous communiquer les registres archives et titres de rente et créances qui pourraient exister. Interrogé sur la situation financière actuelle, il a déclaré que le passif s'élevait à la somme de 320 fr, sans toutefois produire de pièce justificative à l'appui de cette déclaration.
Il résulte d'une part de l'extrait d'un relevé fourni par M. le trésorier payeur général des Deux-
Sèvres, que la fabrique est propriétaire de 2 titres de rente à 3 pour cent sur l'état français, l'un de 50 fr série 7 n°629876, l'autre de 75 fr même série n°626376 ; d'autre part qu'elle a fait figurer à son budget de l'année 1903 une somme de 86 fr à titre de produit de rente et fondation postérieure au 7 thermidor an XI, ces documents seront annexés au présent inventaire après mention.
L'église paroissiale de Pioussay couvre une superficie totale de 3 ares et 4 centiares. Elle figure au plan cadastral de la commune de Pioussay sous le n°94 de la section I. Elle appartient à la commune en vertu de la loi du 18 germinal an X. On y remarque le maître autel en pierres plaquées de marbre, dans la chapelle de la nef un autre autel dans les mêmes conditions. Deux bénitiers en pierre, fonts baptismaux en pierre, chemin de croix dont les cadres sont scellés aux murs et faisant corps avec l'édifice ainsi qu'une chaire en bois.
Dans le campanile, 2 cloches avec bâti. La sacristie, annexe de l'église avec laquelle elle
communique directement contient un porte-manteau scellé au mur.
1° La valeur du sol occupé par l'église et la sacristie peut être évaluée à raison de 2 fr le mètre
carré : soit 200 fr.
2° Le presbytère et ses dépendances consistant en maison d'habitation composée de 4 chambres, un corridor et un grenier, serre-bois, cour et jardin, le tout d'une superficie de 33 ares environ et figurant au plan cadastral sous les n°95 et 96 de la section I.
Il appartient à la commune en vertu de la loi du 18 germinal an X (3). La valeur totale des
immeubles et objets mobiliers garnissant le presbytère et ses dépendances sont la propriété
personnelle de M. l'abbé Guillotteau ainsi que celui-ci l'a déclaré.

Observation d'ordre général
Dés le début de l'opération M. l'abbé Guillotteau, après nous avoir lu une protestation et une lettre, nous a manifesté le désir qu'elles fussent jointes au procès verbal d'inventaire. En conséquence, les dits documents sont annexés au présent acte. Les estimations du présent inventaire ont été faites par nous seul, les comparant ayant refusé de coopérer à l'estimation.
Il était né à Châtellerault.
Dans les années 1815-1822, la paroisse de Pioussay n'a que très irrégulièrement des curés et dans les archives communales on retrouve des courriers émanant du curé Guy desservant de Pioussay et autres paroisses charentaises, et dans un des courriers qu'il adresse au maire de Pioussay M. Chabot (propriétaire du château de Jouhé), il lui demande de fournir le nécessaire à l'exercice du culte divin (ornements, vases, linge, des vitraux, des réparations aux portes et même un local et du foin pour son cheval). En 1822 le même curé relance le maire M. Chabot en lui faisant le reproche suivant « Que les habitants de Pioussay se rappellent les charretées de linges et ornements qu'ils ont conduit à Chef-Boutonne dans la révolution ».
Tout laisse à penser que la révolution de 1789 ne se soit pas faite dans le calme à Pioussay et surtout au sein de l'église !

Poitiers 28 septembre 1829

                                                                         Monsieur le maire

Dans le compte que m'a rendu M. le curé de Pioussais, de l'état de l'église ; je remarque qu'il y manque encore beaucoup de choses essentielles, je n'en suis pas étonné, quand je réfléchis que cette paroisse a été longtemps vacante et me rassure sur l'avenir parce que j'espère pour vous que vous fissiez ce qui dépendra de vous pour mettre votre église dans l'état convenable en y faisant faire les réparations reconnues nécessaires, et en avisant aux moyens de procurer ce que demande la décence du culte divin en vases sacrés, linge, ornements et livres d'église. Votre influence sur vos administrés en obtiendra, j'en suis persuadé, des sacrifices. Si pour le moment une imposition extraordinaire éprouverait des difficultés, je pense qu'une quête en denrées faite par vous et M. le curé, produirait de quoi fournir [..] j'en ai donné le conseil à M le curé.
Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, vous vous préterez volontiers, j'en suis sûr, à cette bonne œuvre.
Recevez monsieur le maire, l'assurance de la parfaite [..] de votre dévoué serviteur .

M l'évêque de Poitiers


PR 06/2011 Sources communales et personnelles

Notes
(1) Source : net wikipédia
(2) Fabrique : conseil d'administration composé de membres, les marguilliers* élus par les habitants et au nombre de 7 à 11. Ce sont des laïcs, ils ont en charge le bon fonctionnement de leur église, de la gestion financière, les travaux, les ornements et le fleurissement entre autres. Les revenus de la fabrique de l'église de Pioussay sont composés, des droits de bancs et chaises, des produits de quête, les troncs, les inhumations, les dons et legs.
(3) 18 germinal An X (8 avril 1802)




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