Charles Fleau, l'autre curé de Pioussay

Le 8 octobre 1875, à 4 heures de l'après midi, naissait à Sauzé-Vaussais des jumeaux, Jean Charles et Marie Julia Fleau (nés avant terme à 7 mois) ; leur père Jean a 28 ans, et son épouse Marie Brothier 30 ans, ils sont alors cultivateurs. Plus tard ils seront employés aux bains de Chef-Boutonne. Le docteur donna peu de chance aux jumeaux de survivre, et pourtant, tous les deux survivront et ne se quitteront pas de leur vie.


Le plus ancien, et l'un des plus vifs souvenirs de celui qui devint l'abbé Fleau, fut sa première visite à Pioussay en 1885. Ce jour-là, le jeune Jean Charles âgé de 10 ans, se rend à pied à Pioussay (10 km) avec le curé doyen de Chef-Boutonne qui rendait visite à l'abbé guérisseur Pierre Granier. Avant de le quitter, celui-ci pose sa main sur la tête du jeune Jean Charles et lui dit : « Toi, mon petit, tu ne seras jamais malade et un jour tu me remplaceras ici ». Vingt six ans plus tard, l'abbé Fleau succédait à Pierre Granier…


 
Deux ans après cette visite à Pioussay, le jeune Charles Fleau part au séminaire à Montmorillon. Après ses études, il est ordonné prêtre à Poitiers en 1900, à l'age de 25 ans, et célébre ses premières messes les 22 et 23 décembre.
Après avoir été vicaire à Châtellerault durant trois années, il est nommé curé de Paizay-le-Chapt. Sept ans passent et l'abbé Fleau arrive à Pioussay en 1911. Trois paroisses à desservir : Pioussay, Hanc et Bouin. Au début, tous ses déplacements se font à pied. Plus tard, il aura un cheval et un vélo.

Deux bonnes histoires de sa vie méritent d'être connues
La première se passe à son arrivée à Pioussay en 1911. En partant de Paizay-le-Chapt, quelques paroissiens lui avaient fait promettre qu'au moment de la mort, il reviendrait les voir. Hors, un soir qu'il rentrait assez tard, sa sœur Julia lui dit : « Monsieur le curé (elle l'appelait toujours ainsi), il y a du courrier urgent de Paizay-le-Chapt ». L'abbé Fleau pensant aussitôt à sa promesse prend son bâton et se rend à pied à Paizay-le-Chapt (15 km). Pour trouver quoi ? Deux ou trois vieilles personnes assises autour du feu, faisant griller des châtaignes. Il pensait trouver un mourant mais à sa question : « Que désirez -vous ? » ; il s'entend répondre : « Ah ! Monsieur le curé, c'est pour mon petit fils qui part à l'armée, ne pourriez-vous pas en parler à votre ami le général de Mas-Latrie ? » Ce général habitait en Charente, au château de Saveille, proche de Pioussay.
L'abbé Fleau, fort en colère - c'était son point faible -, remet son écharpe autour du cou, et d'un pas décidé malgré les supplications des pauvres gens, revient sans manger - même pas une châtaigne - à Pioussay où il arrive toujours à pied à 2 ou 3 heures du matin.

Le Poilu Fleau
En 1914, l'abbé Fleau servira comme infirmier, du 6e jour de la guerre au dernier.
Sa sœur Julia travaillait dans un grand magasin à Paris, et durant la guerre elle abandonna son travail pour venir s'occuper de ses parents à Pioussay.
En 1919, il revient desservir les paroisses qui lui avaient été confiées.


Le curé Fleau devant la cure.
 
La deuxième histoire se situe en 1942 pendant les heures sombres.

Puis arrive la deuxième guerre mondiale
Il s'occupe des réfugiés, il en logera jusqu'à 350 dans les trois paroisses - nombreux sont restés et ont fait souche. La liste des réfugiés existe dans les archives communales avec les noms des personnes qui les ont hébergés. Cet à cette époque que se situe la deuxième histoire. En 1942 ,alors que l'armée allemande se regroupe pour la guerre de Russie, l'abbé Fleau se rend par hasard à Chef-Boutonne. Au moment de traverser la place Cail, il s'aperçoit que celle-ci est occupée par les soldats allemands. Alors, il fait un détour pour les éviter, mais à ce moment-là, il entend dans les rangs un « croac, croac » retentissant. Aussi ,son sang ne fait qu'un tour ! Fermant son parapluie car il pleuvait, il rentre dans les rangs : les soldats se mettent au garde à vous… Alors, il se met à les passer en revue, s'arrêtant au bout de chaque rang. Il se place au milieu du carré, et d'une voix forte (il était fort en colère), il s'écrit : « Je vous reconnais bien ici, messieurs les Allemands. Moi qui ai torché vos pères en 14. Jamais messieurs un soldat français ne se serais permis ce que vous venez de faire .Honte à vous !» Et il sort des rangs.
Il n'avait peur de rien, sauf d'une chose : il m'aimait pas les abeilles et les craignait, et pourtant il y avait des essaims régulièrement dans les murs de son église.
L'abbé Charles Fleau et sa sœur Julia sont restés 50 ans à Pioussay (en 1959, l'age cumulé de l'abbé Fleau, sa sœur Julia et du sacristain Eugène Terrasson, atteignait 253 ans). Julia est décédée en 1960 tout comme Eugène Terrasson surnommé le seigneur.
Lui s'est retiré en 1960 à Montmorillon où il est décédé le 7 mars 1963. Il repose dans le cimetière de Pioussay au pied de la croix hosannière. Sa sœur Julia, décédée quelques années plus tôt, repose avec ses parents dans le cimetière de Chef-Boutonne.
L'abbé Fleau, véritable vétéran du sacerdoce, était très apprécié des catholiques, et plus généralement, de toute la population des paroisses dont il avait la charge, d'ailleurs ceux qui l'on côtoyé gardent de lui un souvenir intact.

Nommé chapelain épiscopal
Extrait du journal Le Mellois du 1er mai 1937 : « Par décision de Mgr. l'Evêque de Poitiers, M. l'Abbé Charles Fleau, le sympathique et dévoué curé de Pioussay, est nommé chapelain épiscopal. Nos respectueuses félicitations ».
 

La tombe de l'abbé Fleau dans le cimetière de Pioussay.

Obsèques de l'abbé Charles Fleau à Pioussay le 11 mars 1963

Allocution prononcé à l'occasion des obsèques de l'abbé Charles Fleau, par le révérend père Forrat, doyen de Chef-Boutonne, le 11 mars 1963.
« Monsieur le Vicaire Général, mes chers confrères, mes frères.
Nous sommes tous assemblés aujourd'hui, dans cette église de Pioussay, pour honorer la mémoire de ce bon Pasteur qui fut à la tête de cette paroisse durant un demi-siècle.
Il ne convient pas, en un tel moment, de vouloir vanter, à tous prix, les mérites du défunt. D'ailleurs, aucun de nous n'est parfais ; c'est pourquoi il importe avant tout de prier et de supplier le Dieu de miséricorde, afin qu'il accueille avec bienveillance son fidèle et courageux serviteur.
Comment cependant ne pas évoquer les principales étapes de la vie de ce prêtre qui, malgré le poids des ans, eut peine à « dételer » car il se sentait encore solide comme les vieux chênes de nos campagnes.
Charles Fleau naquit à Sauzé-Vaussais en 1875,d'une famille chrétienne. Il entra au collège clérical de Châtillon à l'age de 12 ans. Puis ce sera le petit séminaire de Montmorillon, où il se fera remarquer par son sérieux, son application au travail, sa piété profonde, son amour de la Règle, sa fidélité à toutes ses obligations. Il sera ordonné prêtre à Poitiers en 1900 à l'âge de 25 ans.
Après deux ans de vicariat, il sera nommé curé de Paizay-le-Chapt où il restera 7 ans. Mais l'étape la plus longue et la plus marquante de sa vie, fut son long séjour à Pioussay. Pendant un demi-siècle, il fut curé de Pioussay, et même à la maison de retraite de Montmorillon, il aimait à ce qu'on continue de l'appeler « M. le Curé » et non « M. l'Abbé ». Ce fut un pasteur zélé et prudent.
Il maintint et développa les associations pieuses : Saint-François de Sales, Propagations de la Foi, Saint-Enfance, etc.

S'il ne s'est pas donné avec la même ardeur à l'action Catholique, c'est d'une part, parce que l'adaptation à des méthodes nouvelles d'apostolat lui était difficile et, d'autre part, parce qu'il n'en voyait pas la nécessité sur le plan de sa paroisse où il tenait essentiellement à ce que les traditions ne soient pas bouleversées. Cela ne l’a d'ailleurs pas empêché de se donner tout entier à ses paroissiens qui le trouvaient disponible de jour et de nuit, prêt à aller porter les secours de la religion aux malades et aux mourants, par n’importe quel temps et n’importe quel chemin, et recevant avec un accueil chaleureux tous ceux qui avaient besoin de ses conseils. Quand on entrait chez le Curé de Pioussay, on ignorait quand on en sortirait tant il aimait parler avec ses paroissiens ou ses confrères.
Pasteur prudent, dans une période de guerre, il donna l'exemple de la largeur de vues, de la droiture d'intention, essayant de comprendre les uns, de calmer les autres, de faire régner la concorde, l'unité, pratiquant cette charité, dont il parlait si souvent. La commune de Pioussay lui est grandement redevable de la bonne entente et de la compréhension qui existent entre les membres de la population. C'est là une chose admirable, qui est à l'actif du pasteur prudent qui sut si bien réaliser l'union pour le bien de tous.
On n'en finirait pas d'énumérer les contrastes qui existaient dans une nature si riche : charitable, donnant son argent, son temps pour les nécessiteux, pour les pauvres, par ailleurs impatient, exigeant que tout soit réalisé aussitôt, bousculant de ses bourrades les enfants de chœur ou les personnes qui se dévouent à son service.
D'une rigueur absolue pour certaines choses et très conciliant pour d'autres, mais, toujours avec le souci de ne pas créer de drames, de divisions dans son troupeau.
En son âme, pas de repli secret ; en son attitude nul artifice. Sa piété était profonde et s'exprimait par de longs séjours à l'église. Son dévouement méconnaissait souvent les limites de la prudence. Son zèle ne se ralentissait jamais. Exigeant pour les autres, par souci de leur bien, il le fut encore plus pour lui. On le disait têtu, je répondrais que ce qualificatif têtu n'a pas de sens péjoratif dans la circonstance. Il est plus juste de dire qu'il avait une volonté de fer pour l'accomplissement de son devoir, sans souci des obstacles ou les maîtrisant. Et que dire des qualités de son cœur car sous des aspects parfois froids, il cachait une sensibilité exquise, une délicatesse insoupçonnée. Il aimait à recevoir confrères et amis dans son presbytère.
S'il me faut résumer et tenter de dégager la ligne expressive de sa spiritualité, établir une constante vers laquelle convergent toutes les coordonnées de ses activités sacerdotales, je dirais que c'est le zèle. Il ne marchandera pas. Il agira, passant les obstacles avec l’obstination que tous connaisse, le souci des âmes étant sa seule ambition, sans aucune autre.
Mais l'âge venant, les infirmités aussi, le décès de sa sœur jumelle en 1960, il fallut se résigner à abandonner cette paroisse tant aimée, ce troupeau si longtemps conduit. On ne saura jamais exprimer tout le déchirement, tout l'arrachement intime qu'un tel départ causa à ce prêtre octogénaire qui ne se résignait pas facilement à admettre qu'il avait vieilli. Il partit... par souci d'obéissance, mais ne comprit jamais bien pourquoi on l'avait mis à la retraite. Cette retraite lui pesait d'autant plus qu'il était comme rivé à sa chambre à cause de ses pauvres jambes infirmes. Les nombreuses visites de ses anciens paroissiens furent pour lui durant ces trois années de retraite un réconfort puissant au milieu de sa solitude.

Les moments de cette cérémonie émouvante que nous vivons ne sont pas les plus importants. L'intérêt est ailleurs que dans cette église où s'attristent et pleurent ceux qui restent. Il est là-haut où vient d'aborder celui qui a disparu et qui nous a quittés. Ici, un cortège de deuil : là-haut les joyeuses légions des élus parmi lesquels il a retrouvé et reconnu : parents ,amis, paroissiens, dans le plein bonheur. Ici, un corps réduit à l'immobilité par l’œuvre de la mort : là-haut, la vie.

Il est parti mais il est là, plus vivant que nous et présent, non seulement par sa dépouille mortelle, mais par son souvenir, sa fidélité, son âme car ce n'est pas un lieu d'oubli qu'habitent les âmes de nos disparus. Êtres immatériels, la question de la distance ne se pose pas pour eux. Il nous voient dans la lumière de Dieu où on apprend ce que l'on sait. Reconnaissez-le, chers paroissiens de Pioussay, Bouin, et Hanc. Evoquez son labeur pastoral à l'autel, au confessionnal, aux Fonts baptismaux, dans cette église qu'il a remplie de sa présence et de sa prière pendant de si longues années. Il a désormais achevé sa tache, et le mot defunctus signifie qu'il s'est acquitté de ses obligations d'être humain et de prêtre. Au Dieu, au créancier infiniment riche qui lui avait tout donné, goutte à goutte, à l'exemple de son divin Maître, pour ses brebis.

Notre dernier hommage sera celui qu'espérait sa piété : la prière. Ne sachant pas les exigences de la justice divine, nous devons prier pour nos morts et avec plus de ferveur encore quand il s'agit du prêtre qui porte de si redoutables responsabilités. « Il est terrifiant, disait le curé d'Ars, de passer d'une Cure au tribunal de Dieu. »
Paroissiens de Pioussay, Bouin et Hanc, vous êtes venus en grand nombre recommander au seigneur le repos de l'âme de celui qui vous considérait tous comme ses enfants et qui vous a tant aimés. Vous ferez un pieux devoir d'affection et de reconnaissance d'aller souvent prier près de la tombe de ce prêtre qui vous a jamais manqué et qui, sans bruit et sans ambition, mais avec dévouement admirable, a été à votre service pendant 50 ans. Au habitants de Pioussay revient le privilège de veiller sur sa tombe. Il a aimé tous ceux que le Seigneur lui avait confiés. Son plus long séjour à Pioussay explique son désir d'y dormir de son dernier sommeil.
Vous garderez son souvenir, vous qui furent ses paroissiens. Quand à nous, Prêtres, nous garderons le souvenir d'un confrère édifiant qui nous donne l'exemple d'une vie sacerdotale sans faille, cher M. le Curé Fleau, que vous fûtes une conscience toujours attentive aux appels du devoir et toujours inspirée par le souci de l'implantation du royaume de Dieu. »

R. P. Forrat


Guérison d'une fillette atteinte d'une grippe mortelle
Villeneuve (Deux-Sèvres), 28 février 1920

Ma révérende Mère,
Permettez-moi de vous raconter une guérison attribuée uniquement à Soeur Thérèse de l'Enfant-Jésus. La privilégiée est une de mes élèves.
Suzanne Bernardeau, âgée de neuf ans, fut prise, le 15 février 1919, d'une très forte fièvre ; le thermomètre accusait 40° et il se maintint à cette température pendant quarante jours consécutifs.
Le docteur, appelé dès le début, reconnut une mauvaise grippe ; l'auscultation lui révéla dans la suite que le poumon droit était gravement atteint. Toutes les ressources de l'art furent employées pour le dégager et faire tomber la fièvre, mais sans succès. En désespoir de cause, le médecin demanda un confrère en consultation. Il fut avéré que le cas était sans remède ; l'enfant victime de la tuberculose allait mourir incessamment.
C'est alors qu'une voisine remit à la petite malade une relique de Soeur Thérèse, et toute la famille adressa ses supplications à la chère sainte, en lui promettant une offrande si elle opérait le miracle tant souhaité. Ces prières furent promptement exaucées, car, deux jours après, la température tombait brusquement et Suzanne demandait à se lever. Toute trace de maladie avait disparu et, depuis lors, la guérison s'est maintenue parfaite. Le docteur fut très étonné de retrouver sa malade bien portante et de constater que les poumons étaient intacts.
Pluie de roses
L'enfant étant allée passer quelques jours chez son oncle, celui-ci voulut s'assurer de son entier rétablissement et la fit ausculter par un autre médecin dont le témoignage fut catégorique : il n'y avait aucune trace de tuberculose. La fillette était donc bien guérie par la petite sainte de Lisieux.
Les parents, très reconnaissants, ont voulu signer eux-mêmes le récit ; leur témoignage est accompagné de celui de plusieurs voisins et voisines, spectateurs du bienfait reçu. M. Blanchard, institutrice libre ; Lucien Bernardeau, parent ; Louise Bernardeau, mère ; Athénaïs Bernardeau, l'enfant. Suivent sept autres signatures et l'attestation de M. le Curé de Pioussay, confirmant la relation ci-dessus. Il a lui-même administré la petite mourante et considérait son état comme désespéré ; il attribue sa guérison à l'intervention miraculeuse de Sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus.

Abbé J.-C. Fleau, curé de Pioussay.

Suit encore le certificat médical, reconnaissant Mlle Bernardeau entièrement guérie d'une splénopneumonie droite, très grave.
___________________________________________
Sources :
- le Trait d'union 01/1999 C. RICARD ;
- le Courrier de l'Ouest 11/1960 et 03/1963 ;
- le Mellois ;
- le Journal des paroisses du 10/04/1963 ;
- archives communales et personnelles ;
- témoignages M. J. Fleau et Mme. M.T. Bergeron.




Créer un site
Créer un site